Vidé-haut #4 – L’Expédition
Chapitre 1 : LE « REPOS »
L’expédition approche et il est donc sage de l’appréhender en pleine forme après les semaines actives que nous venons de vivre. Le mot d’ordre est donc REPOS.
À vrai dire ça ne m’enchante pas vraiment pour plusieurs raisons. Premièrement, de manière générale je ne suis jamais trop emballé par le repos. Ensuite, nous nous trouvons à Pangboche, où il y a pleins de choses à faire aux alentours et où il n’y a pas grand chose à faire comme activités « chill ».
Cette semaine repos commence donc par deux jours de gonflage de parapente. On apprend avec Valentin à gonfler une voile sous les conseils du coach Robin. Nuru et Florian peuvent aussi s’essayer à la discipline. Malheureusement nous ne pouvons pas initier de nombreux habitants de Pangboche comme prévu car nous n’avons pas les permis nécessaires.
Les deux jours suivants c’est escalade, une fois avec Valentin et l’autre avec Robin. On trouve un joli spot, où nous pouvons amener deux locaux.
Après s’être pas mal reposés ces derniers jours, il est temps de prendre un petit peu d’altitude sur les alentours de Pangboche et découvrir les sommets non explorés. Je monte tranquillou en direction d’une bute 500m plus haut. Je tombe par hasard sur Valentin qui était porté disparu à la lodge. Je lui propose de monter un peu plus haut mais il préfère finalement redescendre. Je file donc solo et j’aperçois un sommet au loin au dessus d’une colline recouverte de cailloux.. ça donne envie ! Je décide donc d’y aller en mode trail et il se trouve finalement 1 300m au dessus de Pangboche. Le genre de sommet pas du tout fréquenté parce qu’il est à l’extérieur du chemin de trek mais qui vaut carrément le coup.
L’après-midi on fait un point sur la logistique expédition et nous choisissons de ne pas passer l’Amphulatsa, le col à 5 800m que nous devions prendre pour aller rejoindre les chercheurs. En effet, il est tombé beaucoup de neige et il est plus prudent de passer par la basse route. Cela implique de faire tout le chemin en sens inverse jusqu’à Lukla. Ça signifie également que nous ne pourrons ensuite pas revenir car il y a un checkpoint à Lukla et nos permis ne sont plus valables après notre passage. C’est donc nos derniers instants dans le Khumbu, autant ne pas avoir de regrets. Cela passe par l’ascension du Pokalde, un sommet à 5 800m, le seul qui manquait à ma liste.
On prend la route tôt le dimanche car la journée est longue. Robin nous accompagne pour le début de la montée afin de faire un vol en parapente. Avec Valentin, on continue jusqu’au Kongma la pass, un col à 5 500m. Magnifique décor ! 300 m au dessus, se hisse le Pokalde, notre objectif. Pas de chrono aujourd’hui, car il n’y a pas vraiment de chemin, c’est juste une arrête rocheuse. D’autant plus qu’elle est toute enneigée suite aux précipitations d’octobre. Il n’y a donc aucune trace, nous avons l’honneur d’être les premiers de la saison (et surement les derniers par la même occasion).
La prudence est donc de partie et nous mettons 2h30 aller/retour pour ces 300m. Le sommet et la vue sont assez incroyables, nous sommes tout de même à 5 800m, soit un nouveau record d’altitude. En parlant de record, on se demande si nous ne venons pas de faire une première sur ce sommet en short !
De retour au col, on évacue le kilogramme de glace qui remplace nos pieds puis on ne traine pas car il faut rentrer à Pangboche. Le retour se fait de nuit et nous arrivons complètement affamés avec une boucle de 34 km et 1800 m de D+.
Encore un jour où nous avons essayé de ramener tous les touristes à la lodge de Nuru. Mais cette fois nous avons enfin réussi puisqu’un Suisse rencontré au col est venue passer la nuit.
Lundi, la semaine « repos » est terminée. On fait nos adieux à Nuru et sa famille. Je lui dis fièrement que c’est grâce à nous que le Suisse est venu veille. J’apprends plus tard qu’il a cassé un thermos et suite à ça il y a eu interaction avec la femme de Nuru.. Sur ce coup, j’aurais mieux fait de me taire.
On part tardivement puisqu’on passe dans une autre lodge de Pangboche pour également dire au revoir. On se donne rendez-vous Sur Kathmandu où ils vont passer l’hiver après la saison touristique.
Chapitre 2 : road to khare
L’avantage c’est qu’on est bien hydratés avec les litres de thés offerts dans chaque lodge. Au programme, 22 km que nous effectuons pour rejoindre Thame, une ville que nous tenons également à faire avant de quitter le Khumbu. On apprend que le chemin que nous voulions faire le lendemain est en fait impraticable à cette époque. On devra alors juste revenir sur nos pas pendant 10 km afin de prendre le chemin traditionnel du camp de base de l’Everest.
Déjà qu’on est pressé, et que les journées sont longues, ça nous met un petit coup au moral. D’autant plus qu’on visait un sommet le lendemain matin, le sunder peak à 5 300m d’altitude. Il est 1 600m au dessus du village de Thame et ça fait se lever tôt pour faire le traditionnel lever de soleil. Tant pis je me motive quand même tandis que les deux autres mettent un réveil un petit peu plus tard pour viser un retour à 11h à la lodge. C’est dur de se motiver avec les grosses journées précédentes mais bon je me dis que c’est le dernier chrono.
Comme d’habitude ça vaut le coup, le soleil se lève pile quand je suis en haut, c’est splendide. Le seul problème est que le chemin s’arrête en dessous du vrai sommet. Je continue donc sur l’arrête en hors sentier quelques centaines de mètres avant de faire demi-tour. J’apprendrai plus tard qu’il n’y a pas de chemin menant au vrai sommet. En fait, ce n’était pas le seul problème puisque ma lampe frontale est partie dans le ravin. Malheureusement les deux amis ont été atteints de flemme et ne se sont pas levés. Je redescends donc pour prendre un petit déjeuner au soleil en attendant Valou parti explorer les environs.
On prend la route en milieu de matinée direction Phakding pour une nouvelle bonne journée de trek : 21 km. Le soir, nous sommes vaincus un par un par la fatigue : Valentin ne passera pas les 19h, Robin suivra, puis moi qui ne passera pas 22h. Aujourd’hui nous devons rejoindre Lukla où nous avons fait descendre pas mal d’affaires que nous devons récupérer. C’est une tout petite étape et il est difficile d’envisager plus car après, nous devons passer un col qui se trouve 1 800m au dessus de Lukla. À vrai dire, ce n’est pas trop un souci de se faire une petite étape après ce que nous venons de faire les jours d’avant.
Jeudi 11 novembre, c’est parti, l’expédition commence officiellement. Le départ se fait tôt de Lukla, avec au programme, une montée de 1800m. Au passage, c’est le retour de nos sacs monstrueusement lourds. Pour les alléger, avec Valentin on fait le choix de laisser nos chaussures de trail et partir avec les chaussures d’alpinisme au pied.. nous le regrettons dès les premiers kilomètres puisque à chaque pas nous devons soulever quelques kilos. De plus, les chaussures sont hyper rigides, en d’autres termes, pas adaptées du tout à la marche.
Durant la montée, on rattrape notre ami Suisse qui a cassé le thermos quelques jours plus tôt. Je fais une bonne partie de la montée avec lui, puis on se sépare car pour nous l’étape est encore longue. Il aimerait vraiment continuer avec nous mais son guide veut faire une plus courte étape. On sera amené à se recroiser puisqu’il va également au Mera Peak. La descente est également longue et nous arrivons une fois la nuit tombée dans une lodge isolée au milieu de la forêt. Très rustique comme endroit : quasiment pas d’électricité, tous les murs sont en bâche avec des buches par dessus pour pas que ça s’envole. On se dit que ça y est, on a quitté la région la plus touristique et qu’on découvre le vrai Népal. Après la journée qu’on s’est enfilée, on ne tarde pas à dormir sachant que demain c’est rebelote.
On décolle assez tôt le vendredi puis au bout d’une heure, on est obligé d’abandonner Valentin qui a trop mal au genou à cause des chaussures d’alpinisme. Il décide de prendre un jour de repos dans le village de Khote. On s’organise pour pouvoir se retrouver sachant que nous n’aurons pas de réseau. Avec Robin, on continue la journée qui est encore longue. Pause Dhal-bat le midi à Tangnak où l’on rencontre deux français. On est obligé de refaire cuisiner la lodge vu notre appétit..
À la tombée de la nuit, on arrive à Khare, notre camp de base des prochains jours. Encore une bonne journée et nous pensons nous reposer avant la partie montagne.. c’était sans compter sur le groupe d’allemands qui viennent de faire le sommet du Mera Peak ce même jour. Un des sherpas est un véritable ambianceur et chauffe toute la salle. Le problème pour nous, c’est que nous voulons monter au camp d’altitude demain et faire le sommet après demain (après ils annoncent 3 jours de vent). On leur dit donc que nous devons être raisonnables.
En réalité, au fond de moi, je n’ai aucune envie d’être raisonnable après les longues journées qu’on vient d’enchainer.. on se donne bonne conscience ! Au final, après les nombreux rhums qu’ils nous servent, la lodge se transforme en night club népalais et on part en déhanché sur de la musique traditionnelle.
Chapitre 3 : mera peak
Après une petite nuit pour moi, on se réveille le samedi où nous devons assurer toute la logistique pour le sommet et les prochains jours (location de matériel, récupération des permis d’ascension).
On négocie la location d’une tente au camp d’altitude pour 500 roupies, soit 1€50 par personne. Sachant que la tente est déjà en place à 5 800m, on ne cherche même pas à aller voir ailleurs, c’est une bonne affaire.
Au passage, je m’aperçois qu’avant de partir pour les deux jours d’ascension qui nous attendent, j’ai fait 130 km et 10 000m de D+ lors des 7 derniers jours. Je comprends mieux la fatigue..
On part avec Robin en fin de matinée et en 3h, on rejoint le high camp. On a doublé pas mal de monde parti dans la matinée grâce à notre bonne acclimatation. Tous les alpinistes arrivent avec des sacs quasiment vides, puisque des porteurs montent leurs affaires et il y a des cuisiniers qui leur préparent un festin au niveau du camp. Nous, on a tout notre matériel de cuisine et on est les seuls touristes à se faire notre repas. On discute avec un français qui se plaint du coût de l’expédition.
Pour tous ces gens qui ont choisi le luxe, ces deux jours leur coûtent plusieurs centaines d’euros tout compris. Nous, avec nos 1€50 de location par personne on s’en sort bien.
Ce soir, nouveau record de sommeil puisqu’on se couche à 18h. En effet, il fait nuit, froid et il y a beaucoup de vent, donc pas grand chose d’autre à faire que se coucher. D’autant plus qu’il faut se reposer pour le sommet. On comprend alors pourquoi la tente est si peu chère, c’est la seule qui dépasse du rocher abritant le camp et on est donc légèrement exposés aux rafales. Considérant que ces dernières sont de l’ordre de 100 km/h, c’est un enfer dans la tente, on a l’impression que toutes les 10 min on va s’envoler.
À partir de 1h du matin, on entend tous les groupes se préparer puis partir pour le sommet. Nous on se prépare aux alentours de 5h du matin après avoir patienté 11h sans dormir. Départ vers 6h, avec les premières lueurs du jour, c’est magnifique !
Le fait de partir de jour nous permet de vite bénéficier du rayonnement solaire et ce n’est pas de trop vu les rafales de vent glaciales. La montée se fait sur un bon rythme derrière le chef de cordée Robin qui prend des pauses régulières pour combler le manque d’oxygène. Au bout de 2h30 on arrive au sommet du Mera à presque 6 500m. C’est magnifique, on parlait de ce sommet il y a un an et on y est !
J’avoue que sur le coup je ne me suis pas dit ça, car avec les rafales de vent on n’avait pas trop envie de camper là-haut. De plus, j’avais compris quand on lâchait Valentin il y a deux jours, qu’on l’attendait pour se faire le sommet. Je ne m’étais donc pas spécialement fait à l’idée d’y aller si tôt. Le fait de ne pas s’y être préparé, change beaucoup le ressenti, je décrirai plutôt ça comme être surpris de se retrouver là-haut. Mais je vous rassure, une sacrée belle surprise quand on voit le panorama à 360°. Avec le froid, on ne traine pas au sommet, la redescente se fait facilement et on est le premier groupe à revenir au high camp. Encore une fois, notre acclimatation est appréciable puisqu’en partant 3-4h plus tard que toutes les cordées on revient avant eux.
On plie nos affaires et comme on n’a pas de cuisinier attitré, pas de festin post-sommet, on continue la redescente vers le village de Khare. En bas du glacier, on croise Valentin qui s’est joint à la cordée du Suisse. Il est tout content de nous voir et sans s’en rendre compte sur le coup, mais on est complètements éteints par la fatigue et pas très réceptifs. Qui plus est, c’est un peu la déception pour lui quand on lui annonce qu’on ne l’a pas attendu pour le sommet. Je ne me sens pas capable de remonter au high camp et de refaire le sommet pour l’accompagner. Déjà que pour les deux jours qu’on vient de faire, je me sentais fatigué au départ, là il me faut du repos !
Bien sur, on a prévu de refaire le sommet avec lui mais ça sera après les 3 jours de vent. Ça tombe bien qu’on s’arrête à cet endroit parce qu’on aperçoit les chercheurs en glaciologie qu’on doit rejoindre mais qu’on n’avait pas trouvé pendant deux jours et ça nous inquiétait. On descend à leur rencontre et on planifie les prochains jours avec eux. Le seul inconvénient c’est que ça nous rajoute 100m à remonter dans les rochers en plein soleil, et avec le ventre vide depuis le réveil pour le sommet, c’est dur ! Après 2 jours pleins, le lundi la journée est plutôt chill avec comme seul objectif de monter au camp de base des glaciologues en fin de journée. Vu qu’on a notre tente et toute la nourriture, les sacs sont tout de même assez lourds.
Le matin, je suis allé voir les fosses à déchets à coté de Khare et il y avait un petit point de vue, à coté.
Finalement ça fait encore une journée à 1000 m de D+. Nous installons notre tente au camp à 5400m et cette fois on devrait mieux dormir car le camp est mieux abrité du vent. C’était sans compter sur le fait que mon matelas gonflable est crevé.. Je me dis que je vais passer une nuit sans à 5400m dans une tente et sans aucune isolation avec le sol, c’est franchement pas la joie. Heureusement je trouve un tapis de sol, et avec mon sac et mon matelas crevé plié en 4, on arrive à une installation convenable.
On peut enfin faire connaissance avec l’équipe de chercheurs : Fanny, Patrick, Fabien et Bruno. Ils nous expliquent tout l’intérêt de leur campagne de recherche ainsi que les mesures qu’ils effectuent. C’est franchement passionnant, d’autant plus qu’on va pouvoir participer aux différentes mesures.
A l’origine, ils prévoient de faire les mesures au sommet le lendemain. Ça ne nous enchante pas trop sachant qu’on vient d’arriver pour la nuit et que le réveil est à 3h30. Fort heureusement, la météo sera favorable dans 2 jours, l’ascension est reportée d’un jour.
Le réveil est donc plus tardif le mardi malgré une nuit très courte. En effet, le matelas crevé ne permet pas de protéger des cailloux sous la tente. De plus, l’isolation n’est pas folle car je me suis bien caillé. Robin et Valentin partent avec Bruno faire du radar. C’est une sorte de luge qu’il faut tirer sur le glacier et grâce aux fréquences émises, on peut avoir les épaisseurs de neige et glace.
Pour ma part, je voulais participer à un carottage de glace. Pour cela, il faut opter pour une journée moins tranquille puisqu’il faut monter au dessus du high camp (5 800 m) avec Patrick et Fabien. Nos chaussures ne sont pas idéales pour rester statique à de telles altitudes. Il faut donc faire gaffe à tout le temps bouger pour ne pas se geler les pieds. Globalement ça se passe bien à coup de pelletage régulier pour se réchauffer. La manip est hyper intéressante, on va également poser des balises d’accumulation, qui consistent à mettre des bambous à des endroits précis qui permettront de savoir les années suivantes la quantité de neige accumulée en ce point. Enfin, Patrick me montre une station météo qui est à coté du high camp. Ils ont pris une journée pour la déneiger et la rehausser. Je redescends dans l’après-midi, très content de la journée. C’est la même chose pour Valentin et Robin. Nous sommes vraiment contents de participer à ces mesures.
Je voulais redescendre à Khare pour faire le sommet depuis le village. Toutefois, la journée de travail et surtout le froid ont encore été épuisants. Pour ce faire, il faudrait que je redescende solo de nuit pour me lever quelques heures plus tard et partir à la rencontre de l’équipe. Sachant qu’ils se lèvent à 3h30, je n’ai pas vraiment la force et la motivation. D’autant plus que je me dis que je vais rater une partie des mesures. Je reste donc sage et on entreprend une nuit de 7-8h dans notre tente ultra confort.
Mercredi : réveil 3h30 pour le sommet. Les chercheurs partent à 4h30 et nous un peu plus tard après nous être fait notre petit déjeuner. On a 2 frontales pour 3 et suite à une mauvaise stratégie de ma part, c’est moi qui me retrouve sans lumière. On a également laissé les crampons au high camp la veille avec Patrick et Fabien. Je choisis donc de prendre la roue du leader Valentin Girard qui a le meilleur éclairage tandis que Robin part quelques minutes après. Les frontales de toute l’équipe à quelques centaines de mètres d’intervalles dans la nuit, donnent un rendu très sympa. La montée au high camp se fait sur un rythme tranquillou et surtout dans la bonne humeur. On s’arrête prendre du matériel et cette fois c’est le lever de soleil qui éclaire tout le monde. Encore plus beau !
Du côté de Valentin qui n’a pas fait le sommet il y a 3 jours, on sent que le souffle est de plus en plus court. C’est la même chose pour tout le monde de toute façon. Le gros problème c’est le froid au niveau des pieds. Valentin évoque l’idée de faire demi-tour plusieurs fois. Pour moi il va se réchauffer puisqu’il y a une combe abritée que nous allons monter sous le rayonnement du soleil. Mon expérience 3 jours auparavant ne suffit pas à le convaincre, il a trop froid et préfère redescendre. Je n’insiste pas, il a raison s’il sent qu’il ne va pas se réchauffer il vaut mieux ne pas prendre de risque.
On est juste tous déçu pour lui qu’il puisse pas aller au sommet.. Pour la fin de la montée, c’est rebelote, on s’encorde avec Robin. Cette fois c’est moi qui suis devant, et Robin qui m’arrête régulièrement pour les pauses oxygénation. On arrive à 9h15 100 m sous le sommet après 5h d’ascension. Les mesures peuvent commencer.
La première consiste à déterrer la station météo qui est complètement sous la neige. Il faut y aller tout doucement pour ne pas endommager l’électronique avec un coup de pelle. En parallèle, on commence à creuser un trou où on est censé retrouver une balise d’accumulation.
Après quelques pelletés on voit Valentin Girard débarquer comme un survivant. Après être descendu un peu il s’est réchauffé et est remonté. Well done ! Une personne de plus pour creuser, ce n’est pas de trop. En effet, à 6400m, c’est plutôt physique de brasser la neige. Pour Bruno et Fabien, c’est leur première venue dans le Khumbu et ils veulent aller jusqu’au sommet. On les accompagne avec Valentin et contrairement à 3 jours plus tôt, il n’y a pas de vent du tout. On peut donc prendre le temps de rester et de profiter. Valentin est tout émue, c’est beau à voir.
Pour moi, c’est une bonne saison puisque j’amène mon deuxième client au sommet en 3 jours. Avec le soleil qui rayonne, on a même la possibilité de prendre des photos pour le calendrier. Quelle chance !
Ensuite, c’est retour au boulot et on commence à redescendre avec Robin en faisant du radar avec Bruno et Fabien. De retour à la tente, on découvre qu’avec la chaleur du jour, la tente a été inondée par le dessous. C’est la mauvaise nouvelle du jour, particulièrement pour Robin qui a des affaires mouillées. Il décide donc de rentrer à Khare.
Pour moi c’est un dilemme, car je n’ai pas envie de passer une nouvelle nuit pourrie (qui sera encore plus pourrie avec l’humidité), mais je n’ai pas non plus envie de redescendre avec tout le chargement et la tente mouillée. J’attends Valentin pour savoir ce qu’il veut faire et on décide de tout mettre à sécher et qu’on reviendra pour tout descendre.
Cette idée me parait bonne car j’ai toujours l’idée de faire le sommet depuis le village de Khare. On finit de tout ranger pour la tombée de la nuit puis on se fait notre petit repas au camp de base avant de redescendre de nuit avec deux frontales pour deux personnes. Quel luxe ! L’arrivée à la lodge se fait à 21h et on peut dire que la journée est bien remplie : 4h30-21h.
Cette nuit là, rien à signaler ! Le sommeil est bon pour tout le monde. Le jeudi sera une journée off pour le tri-haut. Vraiment aucune activité et ça faisait longtemps que ce n’était pas arrivé. J’ai pris la décision de monter au sommet depuis Khare le lendemain donc il faut se reposer. Je m’autorise même une sieste, quel jour exceptionnel. Patrick de la team des glaciologues, m’a monté une balise où il y a un appareil qu’ils ont laissés il y a deux ans et qui est maintenant sous 3m20 de neige. L’objectif est de le déterrer. L’idée est donc d’aller au sommet puis redescendre au high camp pour déterrer l’appareil où je rejoindrai Robin et Valentin.
Vendredi le réveil sonne à 5h30. La météo annonçait une dépression, c’est bien le cas, le ciel est bien chargé. Le plus inquiétant, ce sont les rafales qui donnent l’impression que la lodge va s’envoler. Sachant que Khare n’est pas du tout exposé au vent, qu’est-ce que ça doit donner là-haut ?
Quand je pars à 6h15, ça c’est calmé. Je pars avec les grosses chaussures d’alpi au pied et tout mon chargement sur le dos, c’est pas très optimisé. Je voulais poser des affaires sur le parcours mais vu que j’ai pris ma décision la veille, c’était trop tard. La montée se passe bien jusqu’au glacier, je tablais sur 30 min et j’en mets 34.
Ensuite, sur le glacier le vent a beaucoup soufflé et les traces sont en partie effacées, je me dis que ça va être compliqué plus haut. De plus, au niveau du col, les rafales sont vraiment fortes, avec les flocons bien gelés fouettent mon visage. Obligé de se mettre en mode touareg avec deux buffs sur la tête. Encore une fois je me dis que ça va être compliqué plus haut si ça souffle déjà comme ça. L’idée de m’arrêter au niveau du high camp est évoquée. Au niveau du timing, je m’étais dit 1h pour arriver au col et j’y suis en 50 minutes.
Ensuite, vient la montée au high camp. C’est abrité du vent, la trace de la montée est bien visible et le rythme de montée est rapide sans me mettre dans le rouge. En d’autres termes, que du bonheur. J’avais tablé sur 2h, j’y suis en 1h30. Je ne m’arrête pas, je continue jusque dans la fameuse combe où la montée sèche commence. Une bonne pause pour boire, mettre les crampons et les gros gants. Je m’allège même en faisant tomber un petit gant que je récupérerai à la descente, puis c’est parti pour le summit push (comme disent ceux qui font le sommet sur plusieurs jours). À la sortie de la combe, je me fais rafaller 2-3 fois (rafaller n’est peut être pas très français mais c’est le mot qui correspond le mieux à la situation), ce qui me fait passer en mode esquimau. Toutefois, entre ces rafales c’est plutôt calme. Enfin, l’ultime difficulté se dresse devant moi, le dernier ressaut et c’est gagné. Je donne presque tout, je dis presque parce que je sors la GoPro de ma poche pour immortaliser la fin, ce qui me fait reprendre mon souffle.
Le temps visé était 4h, je regarde ma montre et je vois 2h47. Je suis extrêmement content de ce temps ! Petit selfie au sommet avec la morve gelée, même si ce n’est pas très beau, ça fait alpiniste pro. Après avoir sorti ma doudoune, je contemple une dernière fois le panorama.
C’est différent des autres fois, les nuages sont juste au dessus de ma tête, j’ai l’impression que je peux les toucher. C’est aussi différent car cette fois, j’ai tout donné et je vous laisse imaginer le bonheur ultime en reprenant son souffle.
Pas le temps de s’éterniser, les grosses rafales reprennent, et je décide de vite redescendre avant de perdre mes doigts. Une fois que je suis à l’abri du vent, je savoure pleinement la descente, avec le seul regret de ne pas pouvoir savourer à plusieurs cet instant. Malgré tout je me dis qu’on peut partir heureux comme tout du Khumbu après ça.
Maintenant le seul objectif c’est de déterrer l’appareil des chercheurs. Après avoir fait gaffe aux deux crevasses apparentes à la descente, j’arrive au High camp où on s’était donné RDV et je ne vois personne, même dans la montée. Après une courte attente, je redescends et je croise fanny et Bruno qui montent faire des mesures. Je trouverai Robin et Valentin au niveau du camp de base des chercheurs. Ils n’ont pas eu assez de détermination pour monter au high camp et ils ont bien eu raison parce que l’appareil a été déterré hier.
On récupère les affaires qu’on avait laissées et on redescend heureux comme tout. Robin a récupéré des skis et il se fait un plaisir : se faire 2-3 virages à la descente. On peut dire qu’il a skié le Mera peak. Nous voilà redescendus en dessous du glacier. On fait un adieu au Mera Peak puis on rentre à Khare où nous mangeons avec les scientifiques le soir.
Chapitre 3 : retour à la réalité
Après ça, place au repos, mais pas du vrai repos puisqu’on a 3 grosses journées de marche pour rejoindre Karikhola, le départ de la piste 4×4 où nous prendrons la jeep. Robin prendra le chemin le plus direct tandis que Valentin et moi repassons le col à 4600m d’altitude pour retourner à Lukla où nous avons des affaires à récupérer.
Le premier jour est tranquille puisqu’il consiste juste à redescendre la vallée. C’est parfait pour moi qui suis faible comme tout après avoir attrapé froid au sommet la veille. En revanche, le deuxième jour consiste à se lever en même temps que le soleil et arriver après la tombée de la nuit. Enfin, pour la dernière étape Lukla-Karikhola, nous partons légèrement plus tard car nous avons des gens à aller voir pour le projet et nous arrivons également de nuit. Nous sommes un peu émus au fur et à mesure de la descente en laissant le Khumbu derrière nous. Nous sommes également contents de savoir que nous allons nous reposer un peu. Nous réalisons également que depuis un mois et demi nous étions au dessus de 4 000m d’altitude, ça fait donc bizarre de retrouver de l’oxygène, de l’humidité et de la végétation. Enfin, la dernière grosse retrouvaille à notre arrivée est Robin Jager, nous ne l’avons pas vu depuis 2 jours, c’est quand même long après tout ce temps ensemble..
Mardi, ce n’était pas vraiment la nuit de repos, puisque le départ se fait à 7h du matin, direction Phaphlu, où nous retrouverons une route goudronnée. 5-6h de Jeep pour éviter une grosse journée de marche, ce n’est pas forcément le plus rentable mais en fin de Trek on va dire que c’est justifié. Phaphlu c’est le deuxième choc, on aperçoit une vraie route, des maisons sur plusieurs étages et pas mal de circulation. À notre arrivée ça nous paraissait être un tout petit village loin de tout, maintenant c’est le retour à la civilisation !
Deuxième nuit qui n’est toujours pas une nuit de repos puisque le réveil est à 4h45 pour un départ à 5h. Nepali time, le départ s’effectue à 6h. Dix bonhommes dans la jeep, soit 2 rangées de 4 et 2 personnes devant, puis c’est parti pour le retour à Kathmandu. Au fur et à mesure de la route, on trouve des villages de plus en plus grand, ça y est, on retrouve le vrai Népal ! On a tous très mal aux jambes en étant entassés dans la Jeep, ça doit être l’habitude du luxe des voitures françaises.. Valentin qui avait déjà mal au genou avant de partir, finit d’entretenir sa douleur dans ce voyage à tel point qu’on l’entend gémir de douleur à l’arrière. Malgré sa volonté de ne pas se plaindre, on s’arrête et il passe devant pour survive à la fin du voyage.
On a l’impression de rouler plus vite, c’est cool on ne mettra pas 12h comme à l’aller.. finalement si, c’est interminable et nous arrivons à 6h30 à Kathmandu. Pour finir le voyage, le chauffeur se fait immobiliser le véhicule 15 min par la police pour un délit de fuite car on lui reproche d’avoir klaxonné. Il faut imaginer que les routes dans la capitale sont bondées de véhicules qui doublent par tous les cotés en klaxonnant, mais ce coup de klaxon du chauffeur n’était apparemment pas autorisé. Assez amusant comme situation.
L’arrivée à l’hôtel est enfin synonyme de repos pour le tri-haut. Nous avons beaucoup de travail vis à vis du projet et nous allons retrouver Namgyal et Madinra qui ont continué la partie recherche depuis Kathmandu. C’est un changement complet de mode de vie, mais nous sommes très heureux de retrouver Kathmandu et exciter de faire nos tests sur la pyrolyse dans les semaines qui arrivent.
Il est temps pour moi de faire un bilan chiffré de ce mois et demi dans le Khumbu :
- 1er trek
- 43 jours
- 35 jours entre 4 000 m et 6 500 m
- 530 km
- 35 000 m de D+
- 13 sommets de plus de 5 000 m
Bref, vous l’aurez compris, on ressort heureux et fier de ce mois et demi et on vous dit à très vite pour la suite.