La pyrolyse

La pyrolyse

Publié le 18/10/2023 par Pierre Jaraud

Le principe de la pyrolyse à plastique

Cet article a pour vocation de présenter comment fonctionne une pyrolyse à plastique, et quel est l’intérêt d’une telle machine.  Nous évoquerons aussi les difficultés rencontrées par Tri-Haut dans sa volonté d’intégrer la pyrolyse à sa solution de traitement des déchets plastiques. 

Une pyrolyse à plastique exploite le procédé inverse des industries de plasturgie : son but est de rompre les chaînes de molécules – appelées polymères – par craquage, afin de les ramener à un état proche de leur état initial. C’est ainsi que sont obtenus des hydrocarbures liquides et gazeux à l’issue du procédé.

Préalablement au cycle de pyrolyse, l’étape de préparation des déchets est indispensable. Un tri doit avoir lieu afin d’isoler les plastiques de type PE et PP qui sont les seuls adaptés au processus. Ensuite un lavage à l’eau et un séchage sont effectués dans le but d’obtenir des produits de la meilleure qualité possible. Finalement, le broyage des plastiques est conseillé dans le but d’accélérer la dégradation thermique dans le réacteur.

Concernant le principe même de la pyrolyse, cela consiste à amorcer une combustion sans oxygène dans le réacteur (P). Pour cela, il est porté à une température proche de 450° dans notre cas, car notre pyrolyse est catégorisée comme étant à basse température. Le plastique va monter en température dans le réacteur, jusqu’à atteindre son point de fusion. Après avoir fusionné, le plastique va continuer de monter en température pour enfin commencer à se vaporiser. Le plastique sous forme de vapeur gazeuse va transiter dans les tuyaux reliant le réacteur aux condenseurs (C1). Ces tuyaux font office de système de refroidissement, et permettent la liquéfaction. La phase liquide est alors recueillie dans les différents condensateurs, en fonction de la température des différents produits.

Illustration du procédé pyrolytique

A l’issu du cycle de pyrolyse, deux types de produits sont récupérés :

  • Du fuel. Dans les différents condenseurs, la phase liquide aussi appelée « huile de pyrolyse » est collectée pendant le cycle. Il est directement inflammable, même si sa qualité nécessite un traitement précombustion ou un traitement des fumées.
  • Du gaz. La phase gazeuse n’a pas entièrement condensé et peut être récupérée à l’aval de l’installation. Un système de stockage (gazomètre) est habituellement utilisé.

Néanmoins le procédé produit aussi des déchets, de deux types :

  • Le wax. C’est la forme solidifiée des huiles de pyrolyse, qui ressemble visuellement à une pâte. Elle est difficilement inflammable et sa production risque fortement d’encrasser la machine et de conduire à sa dégradation.
  • Le char. Aussi appelé « coal » ou charbon, c’est le déchet ultime. Concrètement il s’agit d’une sorte de poussière brûlée, qui concentre tous les éléments et additifs du plastique qui ne peuvent brûler. Ce déchet est très difficilement valorisable.

Le travail de Tri-Haut sur la pyrolyse

La démarche de Tri-Haut concernant la pyrolyse à plastique a d’abord été empirique. Dès l’année de création de l’association, une équipe a travaillé sur le sujet dans le but de construire une pyrolyse au Népal. Pour bien saisir les enjeux d’un tel travail, il faut s’attarder sur les conditions d’implantation de la machine.

La pyrolyse a pour but de fonctionner à Pangboche, un village isolé à 4000 m dans la vallée de l’Everest. Un opérateur local formé par l’association s’occupera de la machine, il ne s’agira donc pas d’un expert des procédés industriels. Avoir ces contraintes en tête est important pour saisir la démarche de Tri-Haut.

Après un abandon du travail sur l’incinérateur (voir l’article correspondant), la première équipe s’est intéressée à la pyrolyse pour la plus-value qu’elle permet de tirer des déchets plastiques. Pris par le temps, ils ont adopté une démarche empirique en construisant un prototype à Katmandou.
Ce prototype d’une capacité de 5 L a été construit dans une usine avec des moyens techniques limités, par rapport à ce qui se fait en France par exemple. C’est une volonté de construire la pyrolyse sur place afin de pouvoir retrouver les matériaux nécessaires à sa réparation.
Cette première équipe a réalisé une batterie de tests pour étudier l’influence de différents paramètres sur la qualité et la quantité des produits. Parmi ces éléments étudiés, on peut citer : la température finale de chauffe, le type de plastique, la qualité de la préparation du plastique, etc. Cette phase de test a également permis de mettre en évidence certains points d’attention et de difficultés, comme les zones de fuites ou les conditions menant à un encrassement de la machine.

Un an plus tard, la deuxième équipe a pu réaliser d’autres tests sur ce même prototype, avec des objectifs différents. L’influence de la longueur du tuyau de refroidissement ou des types de plastiques traités ont été étudiés.

Cependant c’est la troisième équipe qui a décidé de faire de la pyrolyse sa priorité dès fin 2022 avec comme objectif de construire la version finale au Népal courant 2024. Pour pallier au manque de connaissances mis en évidence, et pour compléter les résultats obtenus lors des deux années d’expérimentation, une approche théorique a été privilégiée.
Pendant plusieurs mois le Tri-Haut a enchaîné la synthèse de l’état de l’art et multiplié les prises de contacts avec les professionnels du domaine pour monter en compétence sur le sujet. Le travail de dimensionnement à proprement parler a débuté, et malgré les nombreuses aides apportées par les experts du domaine, le travail s’est avéré fastidieux.

Avec du recul, cela peut s’expliquer de plusieurs façons :

  • La pyrolyse est une technologie relativement jeune et pas encore mature. Son utilisation dans l’industrie est majoritairement orientée dans la pyrolyse de biomasse, si bien que les ressources sur la pyrolyse du plastique sont rares.
  • L’équipe était novice dans le domaine, et a dû se former sur le tas par ses propres moyens.
  • La volonté d’orienter le développement sur de la low-tech a ajouté des contraintes supplémentaires, non maîtrisées par les entreprises du secteur sollicitées pour apporter leur aide sur le développement. En effet, la pyrolyse de Tri-Haut s’éloigne sur de nombreux points des pyrolyses développées en industries.

Malgré ces difficultés, le travail de Tri-Haut a abouti à un dimensionnement quasiment complet de la pyrolyse. Ainsi il ne restait que quelques détails à régler et la liste de matériel pouvait être envoyée au Népal pour préparer la venue de l’équipe.

Les raisons de l’arrêt de son développement

Cependant au cours d’un échange avec l’équipe R&D et la direction d’Earthwake, le Tri-Haut a été mis en garde sur la faisabilité de son projet de pyrolyse. 

Plusieurs remarques ont été formulées, en voici une synthèse :

  • Malgré tous les efforts réalisés le fuel obtenu sera de mauvaise qualité, si bien qu’il ne pourra être brûlé dans un moteur, au risque de l’encrasser et de mener à sa destruction. Par ailleurs, sa combustion par quelque moyen que ce soit dégage des fumées toxiques qui nécessitent un traitement lourd à mettre en place à chaque lieu de combustion.
  • L’extraction de ces huiles de pyrolyse reste dangereuse car la moindre imperfection dans le procédé conduit à la formation de vapeur d’essence, possédant un haut potentiel inflammable.
  • Le nettoyage de la cuve en fin de cycle afin de retirer le charbon nécessite l’utilisation d’outils. Or la moindre étincelle provoquée est susceptible là encore de provoquer une explosion car certains gaz denses et inflammables stagnent au fond de la cuve.
  • Il n’est pas possible de s’assurer de l’absence de dioxygène dans les tuyaux. Cela pose des risques d’auto-inflammation en début et fin de cycle notamment. Le seul moyen d’inerter la pyrolyse est par injection d’azote, mais cette solution n’est pas envisageable dans le contexte géographique du projet.
  • La mise en pression du gaz en sortie de pyrolyse nécessite des compresseurs ATEX très onéreux. Si des compresseurs non conformes aux normes sont utilisés, là encore le risque d’explosion est présent. Un gaz à trop basse pression brûle mal et risque d’encrasser la chaudière.

Conclusion

En résumé, Tri-Haut a été mis face aux risques provoqués par une pyrolyse low-tech, bien moins sécurisée que les modèles industriels ayant servi d’inspiration. Ces risques ne se limitent pas seulement aux dommages matériels potentiels, mais peuvent également mettre en danger la santé des personnes. Forts de leurs 10 années d’expérience sur le sujet, il aurait été irresponsable et présomptueux de passer outre les mises en garde d’Earthwake. Ne souhaitant pas mettre en danger la santé du personnel du centre de tri ou de ses membres, le Tri-Haut a pris la difficile décision de suspendre le développement de la pyrolyse.
Cependant le travail effectué n’est pas perdu car il sera transmis à Madindra, ingénieur Népalais souhaitant développer cette technologie à Katmandou, dans un contexte plus adapté.