Les glaciers

Les glaciers

Publié le 15/07/2021 par Robin Jager

La région du Khumbu possède les plus hautes cimes et, sur leurs flancs, les plus hauts glaciers du monde. Ces sommets sont sacrés depuis des centaines d’années et l’eau qui en sort est utilisée par les populations de la vallée. Les glaciers permettent aussi aux prétendants à l’Everest de grimper jusqu’au col sud à l’aide de l’Icefall.

Mais au fait, qu’est-ce qu’un glacier ? Comment se forment-t-ils ? Pourquoi leur étude est-elle si importante aux yeux des occidentaux ? Menacés par le réchauffement climatique, sont-ils si indispensables aux habitants du Khumbu et aux alpinistes ?

Un glacier c’est quoi ?

Un glacier est un amas de glace, formé par l’accumulation de couches de neige, qui s’écoule en permanence sous l’effet de son poids. Ce qu’il gagne en masse dans les parties hautes est perdu par fonte dans les parties basses.

Il possède donc une zone d’accumulation et une zone d’ablation séparées par la ligne d’équilibre où le bilan de masse est nul. La position et l’altitude de cette ligne d’équilibre donnent une bonne indication de l’état du glacier avec les bilans de masse dans les parties hautes et basses.

La ligne d’équilibre se confond avec la limite du névé lorsque celle-ci est la plus haute, par exemple en septembre dans les alpes

Dans la zone d’accumulation, la glace n’est pas formée d’eau gelée mais d’une neige compactée. L’accumulation des couches de neige au fil des ans permet de chasser l’air qui se trouve entre les grains de neige jusqu’à former une glace très pure, la glace bleue.

Évolution de la neige compactée. (ac-Grenoble)

Lorsque la température annuelle moyenne est inférieure à -10°C la glace est trop froide pour que le glacier s’écoule rapidement, il reste accroché à la paroi : on parle de glacier froid. Lorsque la température de la glace est autour de 0°C, on parle de glacier tempéré.

Le glacier du khumbu est un glacier polythermal (très probablement froid en altitude et tempéré dans sa partie basse) qui s’écoule à plus d’1m par jour dans sa partie la plus raide : l’Icefall. (Copernicus)

Dans la zone d’ablation, le glacier peut ralentir à tel point qu’il ne réussit plus à garder en lui les rochers et la poussière qu’il a arraché au fond du lit ou qu’il a reçu des éboulements alentour. Si les débris sont fins le glacier va absorber plus de lumière ce qui peut augmenter la fonte. Si le glacier a une épaisse couche de roche (> quelques cm) cela va, au contraire, le protéger et ralentir la fonte : on parle de glacier noir. C’est le phénomène de fonte accélérée que l’on observe à côté du camp de base de l’Everest qui se trouve sur le glacier du Khumbu : le glacier a perdu plus de 40m d’altitude en 30 ans. Sur le camp même, l’épaisseur des débris est suffisante pour ralentir la fonte.

Everest BC sur le glacier recouvert de roches

Lorsque le glacier fond plus vite qu’il n’avance, il laisse de grandes quantités de roches charriées et forme des crêtes instables sur le front, les moraines frontales et sur les côtés, les moraines latérales. Elles sont le témoin du dernier avancement du glacier à un point donné et permettent de documenter son évolution passée.

Les moraines frontales et latérales peuvent former des barrages qui favorisent la formation de lacs glaciaires, ici les hauts lacs du Gokyo Ri au-dessus de Pangboche.

Le travail des glaciologues grenoblois dans le Khumbu.

Chaque année, une équipe composée de membres de l’IGE et de scientifiques népalais de Tribhuvan university se rend dans la région pour faire des relevés sur 3 glaciers. Le but est d’obtenir une base de données sur un temps suffisamment long pour observer l’évolution de ces glaciers et la relier au climat. Ces observations permettront de valider ou non les modèles développés par les chercheurs.

L’étude des glaciers a de nombreux objectifs : ce sont à la fois des sentinelles du climat, d’immenses châteaux d’eau pour les habitants de l’Asie du sud-est, des voies d’accès aux sommets et des archives climatiques enfermées dans des bulles d’air. Ce sont aussi des menaces pour les alpinistes (crevasses et chutes de séracs) ou pour les populations en aval (poches d’eau, lacs glaciaires qui cèdent …).

Une meilleure connaissance des glaciers permet d’améliorer la prédiction dans tous ces domaines.

Mesures sous le Mera Peak vers 6400m. (IGE-Grenoble)

Et alors dans le Khumbu, il se passe quoi ?

Proche des glaciers, certains secteurs sont très sensibles, des villages ont dû être relocalisés faute d’eau suite à la disparition du glacier qui les approvisionnait.
En revanche, pour les populations qui se situent plus en aval, la distance aux glaciers augmente et les apports en eau sont régulés par les précipitations plutôt que par la fonte glaciaire. En effet, la saison de forte fonte correspond à la mousson où les 3/4 des précipitations tombent sous forme de pluie dans les vallées, sous forme de neige à l’altitude des glaciers.

Le reste de l’année, il fait froid et sec en montagne, il y a peu de fonte. Le glacier perd cependant beaucoup de masse à cause d’un autre processus : la sublimation (passage direct de l’état solide à l’état gazeux). Avec le froid, la neige a du mal à s’accrocher au sol et le vent l’enlève facilement.

La fonte des glaciers risque d’avoir un impact important sur le tourisme dans la vallée. En effet, si les faces s’assèchent les sommets perdent de leur splendeur et gagnent en difficulté. La neige et les glaciers cherchent à combler les creux, à adoucir les ressauts et s’ils disparaissent cela risque de compliquer les ascensions. Cela est déjà observable dans l’Icefall où le glacier reçoit plus de chutes de pierres du fait du réchauffement. Les glaciers népalais ne disparaitront cependant pas du jour au lendemain.

Comme la plupart des glaciers de la planète ceux de l’Himalaya fondent et perdent en vitesse mais cette fonte n’est pas uniforme : l’anomalie du Karakorum entre le Pakistan et la Chine en est un bon exemple. (dehecq et al, Nat Geo, 2019)

Autour du monde les conséquences de la fonte des glaciers sont bien différentes pour les populations en aval. De l’autre côté de l’Himalaya, sur le plateau tibétain, le temps est bien plus sec et les apports en eau dépendent fortement des glaciers, une fonte importante risquerait de créer de nouvelles tensions dans la région sous tutelle chinoise. Les volumes encore présents sont importants mais ce n’est pas le cas de l’autre côté de la planète : les grandes métropoles boliviennes (La Paz, El Alto) grandissent chaque année alors que les glaciers qui les alimentent fondent de plus en plus rapidement. 

Le glacier du Huyana Potosi au-dessus de la Paz est l’un des nombreux glaciers qui alimentent la ville et irriguent les cultures alentour

Conclusion

Les glaciers apparaissent comme de formidables vitrines du tourisme sur les montagnes népalaises. Le tri-haut essaiera de retrouver l’équipe de l’IGE pour observer et partager leur travail là-haut, à plus de 6000m d’altitude. 

Pour plus d’infos sur les glaciers n’hésitez pas à aller voir la page des copains Ombre des glaciers alpins et le site de l’IGE de Grenoble.