Tests sur la sheetpress
Introduction
Début février 2023, Camille, Charlotte et Martin rentrent en France. J’étais (Nathan) censé partir en même temps mais j’ai finalement décidé de rester plus longtemps dans ce pays fascinant. Si mon idée était avant tout d’en découvrir plus sur cet immense petit pays en voyageant dans ses différentes régions et en allant à la rencontre des habitants, j’ai quand même passé un gros mois sur Katmandou à achever la construction de la Sheetpress et effectuer quelques tests dessus. Dans cet article, nous allons discuter des résultats obtenus.
Pour effectuer ces tests, j’ai été grandement aidé par Simon, un architecte de Kharsa School qui travail à construire une école dans la Ruby Valley au nord-ouest de Katmandou. L’équipe de Kharsa nous aide énormément sur la préparation des plans du bâtiment. Leur expérience de la construction au Népal nous est d’une grande aide. Merci à eux !
Sur le gros mois passé à travailler sur la Sheetpress, nous avons perdus presque 2 semaines avant de vraiment commencer à faire des tests. Les raisons sont multiples, mais sont souvent liés à la notion du temps népalais :
- Dans un premier temps, il fallait complétement terminer la machine. Ce n’était pas grand chose mais des problèmes d’électricité et le fait que nous n’étions pas la priorité pour l’usine avec laquelle on travaillait ont considérablement retardé les travaux. Il fallait ensuite la désassembler, ce qui n’est pas une mince affaire non plus.
- On a ensuite eut un problème de court-circuit dans la machine qui nous a pris deux jours à réparer comme nous n’avions pas les outils nécessaires et que l’électricité pour tester son fonctionnement était toujours assez incertaine.
- Pendant ce temps, nous cherchions un local plus grand avec le triphasé. La personne qui nous fournissait en plastique était prête à nous accueillir, mais a finalement changé d’avis après plusieurs jours, ce qui nous a fait perdre encore un peu plus de temps.
- On est finalement retourné dans le petit local que Namgyal nous mettait à disposition mais il a fallu deux jours pour transporter la machine et trouver du monde pour nous aider à la réassembler.
Après toutes ces péripéties, nous avons enfin pu commencer les tests ! Au total, nous avons réalisé une petite quinzaine de tests avec deux types de plastique différents, du PP et du HDPE [voir Le plastique sous toutes ses formes] et en faisant varier l’épaisseur des plaques. L’objectif étant d’étudier l’influence des différents facteurs sur la qualité des plaques obtenues.
Protocole
Nous avons établi un protocole à suivre pour chacun des tests sur la Sheetpress. Pour cela, nous avons besoin d’un moule, de deux plaques en aluminium et de plastique broyé. En voici les principales étapes :
- Allumer la machine et définir la température de chauffe souhaitée
- Fermer la machine avec le cric et attendre que la machine atteigne la température désirée (1h-1h30). Lubrifier les plaques en métal et le moule pendant ce temps-là.
- Ouvrir la machine et mettre la plaque du bas et le moule dedans. Remplir le moule de plastique broyé jusqu’à avoir une épaisseur de 2 voir 3 fois l’épaisseur du moule, en l’étalant bien. Ajouter la plaque du haut.
- Refermer la machine et attendre que le plastique fonde en faisant attention aux fuites (environ 1h).
- Après refroidissement (dans la Sheetpress ou à l’extérieur en gardant la pression), démouler la plaque et nettoyer ses bords.
Etude des différents facteurs
La première étape a été de comprendre sur quels facteurs peut-on jouer pour obtenir une plaques de la meilleure qualité possible.
Un premier facteur important est le type de plastique utilisé, et son remplissage : S’il est facile de faire une plaque en PP car celui-ci devient suffisamment liquide pour remplir le moule, il est plus difficile d’obtenir une plaque pleine en HDPE qui va avoir tendance à s’agglutiner par endroits et former des trous dans la plaque, en particulier sur les bords. Pour éviter cela, il faut mettre beaucoup de matière plastique dans le moule (2 à 3 fois son épaisseur), même si cela génère des fuites importantes.
Un autre facteur majeur, surtout lorsqu’on utilise du HDPE, est le choix du métal pour les plaques additionnels. Le HDPE colle tellement à l’acier qu’il est impossible de démouler à froid une telle plaque (et en démoulant à chaud, on la détruit). Il faut utiliser des plaques d’aluminiums, auxquelles le HDPE adhère bien moins, suffisamment épaisses pour ne pas se déchirer au moment du démoulage. On ajoute du lubrifiant pour faciliter encore le démoulage, des études plus approfondies doivent encore être faites pour déterminer quel lubrifiant est le plus efficace.
Fabrication d’objets
Maintenant que l’on a des plaques, il faut encore en faire quelque chose ! Les possibilités sont infinies. Pour fabriquer des objets à partir des plaques on utilise différentes techniques proches de celles que l’on retrouve dans le travail du bois (découpe, assemblage, vissage/cloutage…), on utilise d’ailleurs des outils similaires. Mais d’autres techniques propres à la matière plastique existent, comme tordre une pièce en la chauffant (possible aussi sur le bois mais plus difficile) ou souder deux pièces en plastique entre elles en faisant fondre du « plastique d’apport » là où l’on souhaite souder les pièces.
Dans un premier temps, nous avons simplement découper plusieurs plaques de 1mx1m en 9 petites plaques chacune pour obtenir des tuiles basiques afin de fabriquer un prototype de toit en plastique directement dans le Khumbu. L’idée derrière ce prototype est de voir si cette méthode est valable architecturalement (pas de dégradation trop rapide des tuiles avec la neige, la pluie, le soleil…) et environnementalement (pas de rejet de micro-particules dans l’eau ruisselant sur les tuiles). Des analyses devront être réalisées.
Dans un second temps, nous avons dessiné les plans d’une petite table à café et l’avons fabriquée avec les outils dont nous disposions (scie égoïne et pistolet à chaleur). L’idée était avant tout de tester le soudage d’éléments plastiques, un atout certain de cette matière. Le résultat est assez médiocre du fait de la qualité de nos outils et de celle de la plaque utilisée (l’une des premières), mais la table à café remplie sa fonction !
Qu’est-ce qu’il reste à faire ?
Pour commencer, de nombreux autres objets peuvent être fabriqués à partir des plaques obtenues et les prochaines équipes travailleront à en tester plusieurs afin de fournir une liste d’idée aux népalais qui travailleront dans le centre, pour qu’ils puissent ensuite expérimenter par eux-mêmes.
Ensuite, il serait intéressant de tester d’autres types et formes de plastique pour fabriquer les plaques, quelques exemples :
- Emballages avec film d’aluminium (à 100% ou mélangé avec un autre type de plastique plus adapté) : Ce serait un aout non négligeable de pouvoir recycler ce type de plastique dans la Sheetpress étant donné que ça représente une bonne partie des déchets que l’on trouve dans le Khumbu.
- Bouteilles en PET (à 100% ou mélangé avec un autre type de plastique plus adapté)
- Sacs plastiques en LDPE (sans broyage préalable ?)
- Mélange de plastique et de copeaux de bois pour maximiser le nombre de plaques produites.
Travailler davantage sur l’épaisseur des plaques, selon leur utilisation, serait intéressant aussi.
Conclusion
Ce mois passé sur Katmandou nous a permit de mieux comprendre le fonctionnement de la Sheetpress, connaissances indispensables pour la suite des opérations même s’il reste encore un certain nombre de tests à réaliser sur cette machine afin d’explorer toutes ses possibilités. Ce sera la prochaine équipe qui, avec l’aide de Madindra, continuera les tests sur cette machine.