Vidé-Haut #1 – Deux mois dans le Khumbu
Le Trek aller
Autrefois, au temps des premières ascensions dans l’Himalaya, il fallait plusieurs semaines de marche pour atteindre le dernier village avant l’Everest, et plusieurs dizaines voir centaines de porteurs accompagnaient les expéditions. De nos jours, 5 jours suffisent pour rejoindre Pangboche si on part du petit aéroport de Lukla.
Préférant la Jeep à l’avion, nous avons marché deux jours de plus depuis le petit village de Phaplu un peu plus bas dans la vallée. Avec ses 32 km et 1300 m de dénivelé positif (et surtout les 1800 m en descente !), la première journée a été très difficile ! Et le poids des sacs (de 15 à 30 kg) nous aura fait bien sué ! Heureusement, une fois passé Lukla, on est sur des bons chemins et les étapes sont plus courtes.
Le 5éme jour était un jour d’acclimatation à Namche Bazar. C’est depuis un point de vue un peu plus haut que nous avons aperçus pour la première fois l’Everest ! Nous en avons aussi profité pour visiter Sagarmatha Next et les bureaux du SPCC mais on en reparle un peu plus tard dans la section Rencontres.
Les Sherpas
Parmi la soixantaine d’ethnies différentes que compte le Népal, l’ethnie Sherpa est certainement la plus connue. Qui n’a jamais entendu parler de leurs aptitudes physiques hors du commun, dont les plus illustres représentants sont les porteurs d’altitude, qui sont capable de transporter des charges pharamineuses (jusqu’à 100 kg !) à la seule force de leur cou, et de leurs jambes ?
C’est leurs capacités physiques hors du commun et leur implication dans la conquête des sommets de plus de 8000m, notamment celle de l’Everest en 1953, qui font leur réputation dans le monde entier.
Historiquement, les Sherpas sont originaires de l’est du Tibet (shar pa signifie « le peuple qui viens de l’est ») et ont migrés vers le sud il y a environ 500 ans. Pour cela, ils ont franchis des cols à plus de 6000m ! Et se sont installés dans des régions de haute altitude (entre 2600m et 4400m), notamment la vallée du Khumbu.
Bien que ce soit la plus connue, ce n’est pas la seul ethnie népalaise d’origine tibétaine, la plupart des ethnies vivant en haute altitude au Népal sont originaires du Tibet.
Mode de vie
Traditionnellement, les Sherpas sont des paysans, des éleveurs ou des commerçants (avant son annexion par la Chine, ils commerçaient beaucoup avec le Tibet). Depuis les années 1950 et les premières excursions occidentales en Himalaya, de plus en plus de Sherpas sont guides de montagne ou porteurs d’altitude : ils accompagnent les touristes sur des treks et sur des sommets tels que l’Everest.
De fait, le mode de vie des habitants du Khumbu est rythmé par les saisons touristiques :
- L’été, c’est la mousson, il y a très peu de touristes. Ils travaillent dans les champs pour cultiver la pomme de terre (introduite au XIXe siècle mais très adaptée à ces régions froides et sèches) et quelques autres légumes (carottes, épinards, chou…).
- L’automne (de fin septembre à début décembre) est la première saison touristique. Les Sherpas propriétaires de lodges accueillent les touristes tandis que les guides les emmènes sur les treks ou sur les sommets, et que les porteurs d’altitude transportent leur matériel et celui nécessaire au bon fonctionnement des lodges (nourriture, gaz, eau en bouteille, sodas, biscuits…). D’autres continuent de travailler la terre.
- L’hiver, il fait très froid dans ces vallées (autour de -10°C la journée, et plus froid encore la nuit). La plupart des habitants descendent à Katmandou pour les mois de décembre et janvier, mais certains restent et vivent en isolement pendant plus d’un mois après s’être fait une réserve de nourriture.
- Enfin, le printemps est la deuxième saison touristique et la saison la plus chaude. A nouveau les guides, les lodges et les porteurs s’activent pour offrir aux touristes tout ce dont ils ont besoin. C’est la saison de l’Everest, dont le camp de base ressemble alors à une véritable ville de tentes.
Les guides Sherpas font parti des personnes les plus riches du Népal. Et nombreux sont ceux qui partent travailler à l’étranger durant l’été, et parfois même l’hiver (notamment en France). Ils reviennent pour les saisons touristiques.
Le froid
Si les Sherpas sont habitués au froid mordant qui emplit les vallées lorsque le soleil se couche ou que le vent se lève, c’est pour nous une toute autre paire de manches, surtout quand on sait qu’aucun bâtiment n’est isolé…
Une fois le poêle éteint, les températures peuvent tombés jusqu’à -5°C dans la chambre, et bien plus bas encore à l’extérieur ! A cette température, le givre couvre les vitres, les bouteilles gèlent et notre respiration se condense sur la couverture pour former une petite couche de glace qui n’attend que de nous tomber dessus… Mais le plus difficile reste la sortie du lit, et le petit-déjeuner qui suit ! Puisque le poêle est rarement allumé le matin.
Bref, un peu d’isolation ne ferait pas de mal !
Everest Basecamp & Gokyo
Au cours de ce mois et demi passé dans le Khumbu, nous avons découverts des paysages somptueux au travers de différents treks.
Après une semaine passée au lodge et aux alentours, à attendre que la pluie cesse, nous sommes partis pour 4 jours de trek jusqu’au camp de base de l’Everest. On remonte d’immenses vallées, longeons des glaciers monumentaux et en traversons même un, couvert de milliers de tonnes de roches venant des sommets. Si les paysages sont magnifiques, avec l’Everest et le Nuptse qui se dressent d’un côté, et le Pumari de l’autre, le basecamp en lui-même était extrêmement décevant. C’est qu’aucunes expéditions sur l’Everest n’a lieu cet automne… Le lendemain au petit matin, on monte admirer le lever de soleil depuis le sommet du Khala Patar à 5600 m d’altitude, et quel beauté ! La nuit étoilé laisse doucement place aux teintes orangées du petit matin, les sommets s’embrasent au dessus des froides vallées et la splendeur de l’instant nous en fait presque oublier le froid mordant qui nous entoure…
Quelques jours plus tard, après être rentrés à Pangboche, nous nous sommes rendus à Gokyo et ses lacs resplendissants couverts d’azur. Pour se faire, nous sommes passé par le Cho La Pass, un col à 5400 m d’altitude, et avons même remonté un petit glacier pour nous y rendre. C’était une journée éreintante, mais une fois de plus, le jeu en valait la chandelle ! Le lendemain matin, un nouveau lever de soleil nous attends, au sommet du Gokyo Ri cette fois-ci. Et les paysages sont tout aussi magiques, si ce n’est plus ! Les photos fusent, la bonne humeur est de la partie et les souvenirs prennent forme dans nos mémoires où ils resteront gravés à tout jamais…
Pollution plastique
Finie la page littérature, il est temps de parler des choses qui fâchent : les déchets dans le Khumbu, et la pollution plastique surtout ! Comme dit un peu plus haut, le Khumbu est une région extrêmement touristique, et tout est mis en place pour contenter les touristes. Cela se traduit par une grande quantité d’emballages plastiques (bouteilles, paquets de biscuits et de nouilles…) et métalliques (canettes).
Un organisme existe pour s’occuper de ces déchets, il s’agit du SPCC (Sagarmatha Pollution Control Comittee) qui s’occupe de collecter les déchets sur les chemins (poubelles) et les principaux camps de base, et de redescendre les déchets en métal et le verre jusqu’à Lukla où ils seront envoyé par avion à Katmandou pour être recyclés.
Ca c’est dans la théorie… En pratique, on retrouve beaucoup de métal et de verre avec les déchets plastiques (qui eux ne sont pas collectés) dans les quelques 80 décharges à ciel ouvert qui parsèment le Khumbu. Ces décharges polluent les sols et les rivières, mais aussi l’air une fois brûlées. C’est tout l’enjeu du projet Tri-Haut : réussir à trouver des solutions pérennes (ie qui correspondent à cette région particulière) pour recycler ces déchets en des produits utiles aux populations locales. Et cela doit bien évidemment s’accompagner d’une diminution de la consommation de plastique…
Rencontres
En ayant passé près de deux mois dans le Khumbu, on a fait pleins de super rencontres !
Tout d’abord Pasang, notre guide sur le trek aller et pour l’Everest basecamp. C’est un jeune sherpa de notre âge qui fait ses études sur Katmandou et revient dans le Khumbu durant les saisons touristiques pour travailler en tant que guide et aider sa mère à tenir le lodge.
Nous avons aussi rencontré deux occidentaux qui font des projets dans la région. Tout d’abord Tommy, un suédois qui a passé 7 ans à construire une sorte de musée où sont présentées des œuvres d’art faites à partir de déchets collectés dans le Khumbu. C’est Sagarmatha Next, un projet qui vise à sensibiliser les touristes sur les déchets qu’ils laissent. Il leur propose notamment de redescendre des petits sacs de 1kg de déchets jusqu’à Lukla, où ils seront pris en charge pour être recyclés.
Nous avons aussi rencontré Colin, un écossais qui construit un lodge à Dingboche avec son ami de longue date, Ang Nuru. Ce lodge a la particularité d’être isolé, afin de montrer aux habitants les bénéfices de l’isolation (ne serait-ce qu’en matière de confort pour les touristes). Le plus intéressant est la manière dont est produite cette isolations puisque elle est produite à partir des déchets plastiques que l’on trouve dans la vallée ! Grâce à une machine type Polyfloss.
Si ces rencontres nous ont particulièrement marqués, nous avons rencontré pleins d’autres personnes extrêmement intéressantes : des himalayistes habitués de la région, des personnes en train de faire un tour du monde, des locaux qui vivent encore de manière assez traditionnelle loin du tourisme…
Collecte des déchets, Réunion & Parcelle
Bon, et dans tous ça on a fait quoi pour faire avancer le projet ? A vrai dire, moins que prévu… On a passé le plus clair de notre temps à attendre Nuru, notre principal contact au village, qui était d’abord en expédition au Dhaulagiri, puis à l’Island Peak, puis à l’Ama Dablam… Mais on a finit par réussir à l’avoir une journée complète pour nous, une journée bien chargée donc !
Le matin, on a participé à la collecte des déchets qui a lieu chaque mois au village. C’est le Women’s Group qui l’organise, et chaque ménage a obligation d’envoyer quelqu’un sous peine de payer une amende (ça arrangeait donc bien Nuru qu’on y aille au final !). C’est assez marquant de voir la quantité de déchet qui se cache dans les buissons aux abords des chemins, ou même loin des chemins, transportés par le vent. A la fin de la collecte, on jette tout dans la même décharge (théoriquement un tri est fait entre verre, métal et plastique, mais seulement théoriquement…) puis on se retrouve au monastère pour boire le thé.
L’après-midi, Nuru nous avait organisé une réunion avec les différents acteurs locaux (SPCC, parc national, gouvernement local, Women’s Group, Youth Club…). On leur a présenté le projet, en leur expliquant les avancées qu’on a faites depuis l’année dernière et la venue de la première équipe, puis on a échangé nos questions dans une discussion constructive où tout le monde se montrait vraiment intéressés par le projet. C’est vraiment encourageant !
Après cette réunion, nous nous sommes rendus à la parcelle qui nous était proposée (elle appartient en fait à Nuru) puis le lendemain et le sur-lendemain, nous avons fait tout un tas de mesures dessus (avec les moyens du bord), en suivant les consignes des architectes de Kharsa School qui nous aident grandement sur la construction du local.
Mera Peak
Après presque deux mois passés dans le Khumbu, il nous fallait rentrer sur Katmandou pour travailler sur les machines ! Mais avant ça, on va gravir le Mera Peak (6470m) au terme de plusieurs jours de trek pour passer du Khumbu à une vallée parallèle. Le froid nous aura bien fait souffrir, mais la vue du sommet en valait la peine !
Ne nous reste plus qu’à rentrer ! Ca veux dire encore 3 jours de marche et 2 jours de Jeep…